RENDEZ-VOUS CHEZ VOUS...l\'inconnu à deux pas

RENDEZ-VOUS CHEZ VOUS...l\'inconnu à deux pas

Bilan ou manifeste?

Si vous venez juste d’ouvrir ce blog, c’est parfait vous arrivez quand il faut. Pas la peine de perdre du temps à lire les condensés de journées qui ne présentent pas grand intérêt. Restez juste sur cette conclusion ! Je vous en donne l’essentiel.

Lorsqu’on veut suivre la trace creusée par ceux qui croisent notre route, une première certitude s’en dégage : les orientations donnée sont bien dépendantes de nos propres choix.

On a beau se laisser porter par les rencontres, aléatoires ou provoquées, il demeure un arbitrage que nous sommes seul apte à avoir. On ne suit pas une ligne à l’aveugle, à condition évidemment que les orientations que nous prenons soient guidées par des convictions propres. Sans quoi on perd de vue l’essentiel de la raison pour laquelle on suit tout itinéraire construit. Se fier à la sincérité des échanges et de ses propres attentes en gardant la lucidité discernée. Tout aiguillage deviendrait sinon subi, et le risque est grand de s’y perdre. L’apprentissage et la réflexion sont deux facteurs incontournables à la poursuite de tout cheminement. Il se peut que nous fassions des erreurs de choix mais s’ils sont sciemment pris ils ne demeurent que des choix. Je citerai Caroline (hôte durant 3 nuits) : « Il n’y a pas de bons choix ni de mauvais choix. Il n’y a que des choix dont il faut assumer les conséquences ».  Bonne nouvelle donc ! Selon cet adage, il ne peut non plus y avoir de regret ; j’en laisse le soin à chacun d’en prendre la mesure adéquate.

J’ai choisi un point de départ qui m’a amené vers une dimension festive, certes où les rencontres prédominent mais où les contacts se font davantage sur un plan superficiel. Je ne remettrais rien en cause car cette expérience en tant que bénévole sur un festival de cette ampleur donne un bilan de trois jours génial, sans précédent pour moi.

Du coup l’enchaînement des rencontres et des lieux d’hébergement n’a pas pu réellement se faire comme envisagé, mais en faisant appel à des vecteurs extérieurs comme le couchsurfing.

Dans cette catégorie de personnes que j’ai rencontrées par ces biais, des éléments communs reviennent en permanence.

Ce sont ces rencontres qui donnent le sens de mon itinéraire presque immobile. Ce sont ces éléments communs qui encrent davantage encore des certitudes pour lesquelles on adopte des attitudes qui peuvent être assimilées dans la masse comme marginales. Chacun y mettra le contenu qu’il souhaite.

 

Tous ceux que j’ai rencontrés ont affiché une incompréhension face à la société dans laquelle nous évoluons ; humainement parlant, socialement parlant, économiquement parlant. Une part croissante de la population a pris conscience que la société dans laquelle nous avons accepté de vivre n’est plus un modèle viable et présente de telles aberrations que chacun tente d’organiser par affinité des résistances pour lutter contre un système qui a déjà dérayé.

Ceux que j’ai croisés sont des gens ouverts vers les autres et donc souvent ouvert vers le monde. Les mensonges médiatiques, politiciens, ne les émeuvent plus, mais les effraient désormais. Dans une conscience totale face au danger qui nous menace, dans cette course folle à la déshumanisation, à l’uniformisation, à l’abrutisation des masses, une part de la population s’organise pour lutter à armes inégales contre un système vérolé.

Lorsqu’on tente d’imposer au peuple la pensée unique, des hommes et femmes se révoltent pour faire face avec droiture et intégrité.

Beaucoup- de plus en plus ?- s’engagent concrètement pour participer à l’élaboration de modèles de vie alternative.

Se tourner vers l’autre, accueillir pour une soirée, pour une journée, un autre ou une autre c’est déjà créer une rupture avec l’anonymat dans lequel nous sommes plongés si nous n’y prenons pas garde, en acceptant de se tourner vers l’individu, d’échanger et de partager. Recevoir c’est refuser l’isolement que le développement a engendré sous le poids des technologies innovantes.

Un poids qui pèse davantage aujourd’hui dans notre société d’hyper communication, où les moyens de mise en relation sont multiples et instantanés, mais qui ont paradoxalement engendré un repli sur soi.  

Cette volonté de rencontrer des gens « ouverts » est aussi- il y a là une récurrence- la volonté de diffuser un autre mode de fonctionnement.

De plus en plus d’associations d’échanges, de trocs, se développent pour répondre à une demande grandissante. Echange de compétences ( trocheures), systèmes d’échange locaux ( Sel), terrain communautaires, travail ( workaway, woofing, helpx). On recherche activement des circuits fermés, proches, afin de créer une rupture avec les intermédiaires qui se graissent la pâte, font crever les plus petits, et noient l'individualité derrière des slogans. On dénombre des exemples multiples que ce soit en agriculture ( Amap), location chez l’habitant ( bedycasa, AirBnB, Wimdu), moyen de locomotion ( 123, vadrouille). Tout semble prétexte à s’extraire du contrôle des puissants pour renouer avec un contact direct, pour tresser un lien avec ses proches ; lien que nous avons perdu sous le développement accru des médias, de l’informatique et d’internet, de la téléphonie mobile, des réseaux sociaux.

Si internet apparait comme une révolution majeure de ce siècle, et le vecteur de communication de la troisième révolution énergétique, son utilisation à crée une génération de dépendant, adicts de l’immédiateté et de la facilité. Goût de l’effort en perdition, concentration en perte de vitesse. Que vont devenir nos enfants dans une école qui arrive de moins en moins à les comprendre ? Nous n’arrivons plus à suivre une génération qui est née avec des outils en main, dépassée par leur fonction première. Un des challenges sera de transformer des utilisateurs passifs en des utilisateurs conscients.

La recherche d’un lien social apparait ici fondamentale. Recevoir un inconnu chez soi, c’est accepter de sortir de sa zone de confort social pour rencontrer l’autre dans sa différence. C’est déjà assouvir la volonté de briser une solitude partielle pour partager des instants nouveaux avec l’autre. Je l’ai parfois ressenti fortement dans l’acceptation de recevoir, parfois moins implicitement. Bien évidemment c’est assouvir une volonté de voyager à travers la rencontre dans une position immobile. C’est donc sortir d’un environnement qui devient de plus en plus pressant, à travers la réalité quotidienne, à travers également le prisme médiatique qui tend à renforcer ce sentiment de peur du lendemain.

Autre élément fondamental, dans la continuité de ce besoin de se rapprocher des autres, une solidarité parfois surprenante, qui rend compte que derrière les écrans impersonnels, il existe bien des hommes et des femmes qui vivent avec des émotions que la machine impersonnelle tend à faire disparaitre ; du moins le fait-elle croire.

Lorsque j’étais sans véhicule, sans logement, il y a toujours eu quelqu’un pour, à un moment donné, me contacter pour me proposer un lit, une voiture. Je ne peux que les remercier sincèrement car elles m’ont chaque fois dépanné d'une situation inconfortable- que j'avais ceci dit volontairement choisi-et permis de pénétrer leur univers furtivement et de comprendre un peu leur lutte respective.

En résumé : solidarité, entre aide, partage, lien social. Tous ces termes reviennent en boucle. Tous les modes de fonctionnement y reviennent.

Il s'agit ici d'une photographie ciblée de la société ; celle ouverte vers l’autre, souvent dans un milieu social modeste, qui accepte une remise en cause globale, qui n’a plus peur de s’opposer au « pouvoir » et refuse la transhumance des humains reconvertis en moutons.

Je n’emploierai pas les termes de Stephane Essel , mais je rejoindrai en revanche les idéaux transcendantaux de nos ainés américains du nature writing, et la désobéissance civile de Ralph Waldo Emerson.

Premièrement il revient à chacun de s’engager pour ce qu’il croit en gardant une cohérence certaine, ce qui nécessite de s’abstraire du conditionnement dans lequel on tente de nous mettre. Deuxièmement il s’agit de rester vigilent dans les actes pour lesquels nous nous engageons car l’uniformité tente de s’emparer à plus ou moins long terme de ce qui constitue à un moment donné une exception.

Un exemple me vient immédiatement. Après les débuts fracassant du site covoiturage.com qui mettait en contact, et en relation de confiance des gens désireux de se déplacer en partageant un véhicule, et une montée en puissance du nombre d’usagers, un grand nom à racheté le domaine et le site pour en assurer une gestion payante. A vouloir être dans un circuit parallèle on devient partie prenante du système qui absorbe une minorité défendante.

Cette expérience fût brève, pas dans la totale lignée imaginée, et c’est bien le principe d’un voyage, même de proximité, à savoir de répondre à une part d’inconnu. Courte donc, en effet, mais les ressentis qui en émergent dressent à une échelle modique l’assurance que quelque chose est en marche, comme souvent on en entend parler, et comme ici j’ai pu le constater à travers diverses personnes indépendantes les unes des autres.

Est-ce cela la révolution pacifique ? Les solutions ne viendront en tout cas pas de tout en haut, mais de ces gens que j’ai rencontrés. Il y a là un espoir grandissant de voir naître une société plus juste en revenant à des valeurs plus humanistes. Le pari est lancé par ce qui constitue aujourd’hui encore une part marginale d’entre nous, que demain s’écrit maintenant, les manches relevées.

Faisons le pari qu’en devenant résistants actifs contre les pièges et l’assimilation du pouvoir, qu’en mettant notre énergie au service d’une cause plus juste, à défaut de construire une autre société, nous empêcherons le rouleau compresseur du monde de nous absorber, et demeurerons des individus libres de choisir.

Il y a des combats à mener. J’ai choisi le mien.

Vive le voyage. Vive les rencontres.



17/07/2013
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